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Le métier de gardien de tour

25 septembre 2015

La première tour utilisée pour la détection des feux de forêt en sol québécois a été inaugurée en 1910 au sud du lac Matapédia en Gaspésie. Située à 518 mètres d’altitude, elle permet au gardien de tour d’observer jusqu’à 260 000 hectares de forêt par beau temps. Le développement du réseau de tours atteint son apogée à la fin des années 1930 alors qu’il est constitué de plus de 500 tours. Ces dernières sont construites au sommet des montagnes dominantes et offrent une excellente visibilité des territoires forestiers à protéger. Il en existe encore quelques-unes à l’heure actuelle qui agrémentent le paysage québécois, bien que la majorité ait été détruite pour des raisons de sécurité.

Lors de la mise en place du système de tours, le gardien y demeure seul tout l’été, la durée de son séjour variant de quatre à cinq mois. Il travaille alors sept jours sur sept durant cette période. Son rôle est d’observer les territoires forestiers sous sa garde afin d’y repérer toute fumée ou signe d’un incendie. Lorsqu’il en aperçoit, le gardien doit alerter le centre d’opération afin qu’une équipe et une stratégie de combat soient mises en place. Lors de cet appel, il précise la position du feu, la distance estimée depuis la tour, les dimensions ou l’ampleur de l’incendie ainsi que le type de peuplement forestier. Toutes ces informations permettront de repérer le feu plus rapidement et de mieux préparer son combat.

Les tours sont généralement constituées d’une structure en acier où trône une cabine octogonale en bois. C’est dans cet espace que les gardiens réalisent leurs tâches. Les tours étant reliées aux villages par téléphone, et par la suite par radiotéléphone, les gardiens peuvent contacter rapidement les autorités en cas de feux, ce qui leur confère une nette supériorité par rapport aux patrouilleurs. Le développement du réseau de tours a également comme effet parallèle de mener à une expansion spectaculaire du système de lignes téléphoniques provinciales. Cette innovation permet, d’une part, d’accélérer le déploiement sur les feux, mais brise également la monotonie et la solitude de la tâche de gardien de tour. Ces derniers peuvent désormais contacter les autres gardiens le soir venu afin de discuter.

Société d’histoire forestière du Québec – Osbourne Fire Finder

Afin d’évaluer la position du feu, la cabine vitrée de la tour possède un système de détection des incendies, inventé en 1911, nommé Osbourne Fire Finder. Il s’agit en fait d’une table circulaire d’un diamètre de 75 cm où est placée une carte des environs. La tour se retrouve en son centre. À l’aide du cercle azimutal rotatif, gradué de 0 à 360 degrés, et de l’alidade, le gardien peut localiser les fumées qu’il aperçoit.

Les gardiens de tours ont également accès à une maison en bois ronds située au pied de la tour. Ces dernières présentent un confort assez minimal. Généralement isolées avec la mousse ramassée sur place, elles contiennent un lit, un poêle à bois, un lavabo et quelques instruments de cuisine. Ils ont généralement à leur disposition un jardin, des animaux de ferme et un caveau pour les aliments périssables. Les aliments de base sont apportés à la tour en début de saison par le gardien lui-même. Des groupes de patrouilleurs se chargent par la suite de les ravitailler pendant l’été en apportant de la viande et des fruits.

Il arrive même parfois que femme et famille se joignent au gardien. Ce n’est cependant qu’après la Seconde Guerre mondiale, qu’on commence à assigner deux gardiens par tour. Bien que cette situation facilite la tâche et la rende plus sécuritaire, elle entraîne tout de même certains problèmes de cohabitation.

Société d’histoire forestière du Québec – Gardien de tour et sa famille

Certaines tours deviennent même de réelles attractions touristiques en raison du panorama qu’elles offrent. Ces visites donnent l’opportunité aux gardiens de tour de diffuser des messages de prévention et de sensibiliser les utilisateurs de la forêt aux risques humains d’incendie. À quelques occasions, la prévention s’ajoutera donc aux tâches du gardien. La plus populaire des tours serait celle du Mont Tremblant avec ses 2500 pieds d’altitude.

Bien que les tours d’observation aient été le pilier du système québécois de détection des feux de forêt, l’efficacité accrue et les coûts désormais faibles de l’utilisation des avions de détection rendent désuet leur emploi à partir de la moitié des années 1960. La dernière tour en utilisation au Québec est utilisée jusqu’en 1981 sur la base militaire de Valcartier. Ses 60 pieds trônent au sommet du Mont Général Allard. Les avions de détection n’étant pas autorisés à patrouiller dans cette zone, le gardien de tour y a encore sa raison d’être.

Références

Blanchet, Patrick. 2010. « Pionnier de la forêt. Michel Blanc, les forêts publiques et la protection intensive ». Histoires forestières du Québec. Vol. 3, n° 1, p. 32-43
Blanchet, Patrick. 2003. Feux de forêt, l’histoire d’une guerre. Hull : Trait d’union, 183 p.
Blanchet, Patrick. 1999. Une fructueuse carrière de 65 ans pour le système de détection des tours d’observation. 20 p.
Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). Historique de la détection. En ligne. https://www.mffp.gouv.qc.ca/forets/fimaq/feu/fimaq-feu-historiquedetec.jsp. Consulté le 19 juin 2015.
Radio-Canada. 1959. Des tours pour localiser des feux. En ligne. http://archives.radio-canada.ca/societe/catastrophes_naturelles/clips/5540/. Consulté le 23 juin 2015

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