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Le métier de garde-feu

9 juillet 2015

Au Québec, la protection des forêts contre le feu possède une histoire riche qui s’étale sur plus d’un siècle. Le garde-feu, personnage phare de son développement, a été amené à jouer de nombreux rôles allant de la détection à la prévention en passant par la mise en application des lois. Aussi appelés patrouilleurs, les gardes-feu travaillaient généralement sept jours sur sept durant une période d’environ cinq mois. Plusieurs de ces travailleurs saisonniers ont même occupé ce poste toute leur vie.

Les premiers gardes-feu sont nommés en 1889 et sont généralement sélectionnés à même la population locale afin d’effectuer la surveillance de terrains licenciés spécifiques dans leur région. À cette époque, ils touchent un salaire mensuel variant entre 50 $ et 60 $. La protection des forêts contre les feux s’organise davantage à partir de 1894 alors qu’est créée la première zone de protection dans la région de l’Outaouais. Il est alors proposé d’embaucher 27 gardes-feu permanents qui parcourront les forêts le long du réseau hydrique en fonction de la valeur des lots à protéger et des différents facteurs de risques. Les endroits les plus propices à l’éclosion de feu se retrouvent où les compagnies forestières détiennent leurs concessions, où les colons défrichent la terre et où les draveurs, les pêcheurs et les chasseurs entretiennent leurs activités et allument des feux.

Pour ce faire, ils doivent patrouiller le territoire leur étant assigné à pied, en canot ou à cheval, et ce, tous les jours. À leurs débuts, les gardes-feu effectuent leur patrouille sur des distances moyennes variant entre 1 150 et 2 720 kilomètres. Cette façon de faire a également l’avantage de les mettre en contact avec les utilisateurs du milieu forestier qu’ils peuvent informer des risques d’incendie. Lors des patrouilles, ils affichent les textes de loi relatifs aux feux de forêt, à la chasse et à la pêche et doivent s’assurer de remplacer les exemplaires endommagés. Les gardes-feu effectuent donc un important travail d’éducation.
Société d’histoire forestière du Québec – Affichage des lois

Au début du 20e siècle, les colons représentent un des risques les plus importants de feux de forêt. Ces derniers ont recours au brûlage afin d’accélérer le défrichage des terres en les débarrassant de toutes matières ligneuses. Les permis de brûlage d’abattis deviennent obligatoires en 1916, élargissant, par le fait même, le rôle des gardes-feu. Ils doivent désormais, à partir des mois d’avril ou mai, inspecter chacun des abattis de leur secteur. La tournée du garde-feu est généralement annoncée une semaine à l’avance sur le parvis de l’église.

Société d’histoire forestière du Québec – Permis de brûlage

Un second facteur de risque provient des locomotives dont les rejets de charbon enflamment parfois les bordures des chemins de fer. Lorsque des feux s’y déclenchent, les gardes-feu ont pour mandat de relever le numéro de la locomotive et la compagnie responsable de cet incendie afin de transmettre ces informations au département des Terres et Forêts. Ils jouent également un rôle important de protection des forêts lors de la construction du chemin de fer Canadian National. Vingt-deux patrouilleurs y sont engagés afin de sensibiliser les travailleurs au danger d’incendie et faire respecter la loi sur la protection des forêts contre le feu.

Le rôle des gardes-feu inclut aussi la détection et la suppression des incendies. Après le passage d’un orage, ils doivent vérifier si la foudre a allumé des feux sur leur territoire et les éteindre le cas échéant. À partir de 1913, les gardes-feu se voient octroyer un mandat supplémentaire dans la détection des feux causés par les locomotives. Ces derniers doivent désormais suivre les locomotives à intervalle de 20 minutes à bord de draisines motorisées afin de détecter les débuts d’incendies. Ils les éteignent par la suite à l’aide d’outils rudimentaires.

Société d’histoire forestière du Québec – Gardes-feu sur une draisine

En sommes, le garde-feu est un homme à tout faire. Le travail acharné de ces gardiens de la forêt a permis la détection de nombreux incendies. Leur rôle s’estompera tout de même peu à peu avec l’arrivée des tours de détection et des avions de détection ainsi qu’avec la formation accrue d’une main-d’œuvre qualifiée dans le combat des incendies. Malgré tout, ces hommes des bois ont joué un rôle crucial dans la mise en place du système actuel de protection des forêts contre le feu en plus d’avoir su sensibiliser de larges pans de la population à ces enjeux.

Références

Blanchet, Patrick. 2010. « Pionnier de la forêt. Michel Blanc, les forêts publiques et la protection intensive ». Histoires forestières du Québec. Vol. 3, n° 1, p. 32-43
Blanchet, Patrick. 2003. Feux de forêt, l’histoire d’une guerre. Hull : Trait d’union, 183 p.
Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). Historique de la détection. En ligne. https://www.mffp.gouv.qc.ca/forets/fimaq/feu/fimaq-feu-historiquedetec.jsp. Consulté le 19 juin 2015.
Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). Le permis de brûlage. En ligne. https://www.mffp.gouv.qc.ca/forets/fimaq/feu/fimaq-feu-capsule08.jsp. Consulté le 7 juillet 2015.

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